Quelle que soit la démarche politique, quelle que soit l’ouverture d’esprit, quelles que soient les opinions dont nous nous réclamons, il est une chose des plus délétères dans le relationnel : l’immobilisme intellectuel !

Il est ici pleinement question du débat d’idées, cette discipline de l’intellect qui consiste à confronter ses idées à celles d’autres personnes sur une thématique donnée et devant déboucher sur un enrichissement individuel, et à terme collectif.

Que l’on conclue sur une solution consensuelle ou que chacun reparte en confortant ses idées n’a finalement que peu d’intérêt sur l’objectif initial du débat qu’est cet enrichissement individuel. Pour qu’il soit possible de s’enrichir, il est nécessaire de faire preuve d’une plasticité intellectuelle.

Il s’agit donc de faire preuve d’une ouverture d’esprit inconditionnelle de facteurs tels que notre éventuel ressentiment vis-à-vis de l’orateur que nous écoutons, tels que notre assurance personnelle que seul notre opinion est valable, tels que l’aveu que nous ne maîtrisons pas la problématique… Quel que soit l’apport des idées qui nous sont proposées, il n’est pas encore question de juger ces idées, mais bel et bien de les comprendre avant tout !

Et pour comprendre il faut une écoute responsable, attentive et éclairée. Il faut laisser son interlocuteur finir ses phrases et ne pas l’interrompre tel qu’il est fréquent de le faire dans les « débats » politiques actuels. C’est avant tout une question de civisme, de respect et de reconnaissance d’autrui.

La compréhension passe par l’écoute, c’est primordial. Cependant, il faut prendre en considération le modèle socioculturel et le contexte dans lequel se situe l’orateur pour s’assurer d’avoir les éléments nécessaires à l’analyse des idées qu’il expose. Nous nous tournons vers une qualité hautement humaine : l’empathie ! L’empathie n’est pas une contamination par des affects, il ne s’agit pas seulement de se mettre à la place de la personne que l’on écoute, tout comme il ne s’agit pas non plus de rester passivement dans l’écoute à travers nos filtres communicationnels. Il s’agit de prendre une chaise et de regarder en extérieur les deux parties en relation en même temps que l’on regardera à travers ses propres yeux et ceux de son interlocuteur.

L’analyse passe d’abord par l’écoute de ses propres ressentis devant la discussion. On ne ressent jamais rien de neutre, et le reconnaître est le premier pas de la compréhension. Par la suite, notre incursion dans la tête de notre interlocuteur pourra nous permettre de prendre en compte ses propres affects et de comprendre ses prises de position. Enfin, l’intégration de la dimension extérieure permet de contempler l’ampleur du sujet évoqué dans une neutralité bienveillante.

La méthode proposée ci-dessus ne vous offre pas l’argumentation idéale, mais simplement la possibilité de vous ouvrir au dialogue sans a priori et sans souffrir de vos affects parasites. Il n’y a pas de solution miracle, le contrôle de soi est la clé d’un dialogue de qualité permettant l’enrichissement mutuel dans le partage de l’expérience et la confrontation conceptuelle.

Voici en théorie les clés d’un débat sain et productif, celui-ci est fondé sur un premier constat, celui que l’Homme est une « machinerie » émotionnelle et que ces émotions ne peuvent que difficilement être contrôlée et doivent donc être canalisées par la raison de chacun. Le second constat découlant du premier est que seule la raison a une place légitime au cœur du débat. Il est question d’argumenter, la persuasion et l’intime conviction n’ayant rien à faire autour d’un débat qui n’intéresserait pas l’art. Dans le registre politique, les besoins sont qualifiables et quantifiables. Le fait politique ne doit pas se préoccuper de l’émotionnel, le fait politique, naît de la nécessité d’une structure régissant la vie collective.

Votre accession au débat va se faire dans deux cas de figure :

- Soit vous venez pour vous forger une opinion en tant qu’observateur ;

- Soit vous venez pour proposer vos idées et les confronter à celles d’autres orateurs ;

Dans le second cas, il vous faudra vous interroger sur l’utilité de votre participation. Participer à un débat dans l’attitude obtuse et intolérante de celui qui sait qu’il a raison ne fera que vous propulser soit en leader, soit en trouble-fête… l’un ne valant pas mieux que l’autre ! Le débat n’a pas vocation à faire naître des leaders, il s’agit de la matrice des maître-concepts politiques issus de l’expérience et de la réflexion collective. Une idée apportée, que ce soit par un anonyme ou un cador de la discipline politicienne n’a aucune valeur politique si elle n’est pas appropriée par le collectif. Ainsi, le débat s’impose comme entité régulatrice des egos dans le cadre de la décision politique. Loin de l’ego d’un seul, l’idée peut enfin rayonner tout son potentiel, enrichi par le partage, diffusé par l’acceptation.

Il faut donc accepter de changer d’avis, non sans réflexion mais avec responsabilité devant ses pairs. Il s’agit de faire preuve de sagesse et reconnaître ses défauts, ses excès, ses oublis… Une telle attitude empreinte d’intelligence fera de vous un orateur efficient et respecté, cela contribuera à rendre vos réflexions futures plus rigoureuses et profitera par leur pertinence à tout le collectif.

La société adulte ne fait pas des icones de la classe politicienne. La société adulte ne fait pas d’icône du tout et refuse toute classe politicienne. Elle émancipe le citoyen dans un rôle politique certain et responsable. La société adulte fait du citoyen, non un faire-valoir, mais une brique du dispositif essentiel qui replace son intérêt individuel et collectif au cœur de l’action politique et fait du débat, la force et la beauté de la gouvernance nationale.

De l'art de débattre...

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