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Esprit Novo
7 juin 2011

L’émancipation intellectuelle

Article séléctionné par le Nouvel Obs' : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1972;l-emancipation-du-terme-juridique-au-debat-philosophique.html

 

En droit, l’émancipation est une procédure par laquelle un mineur d’au moins 16 ans est affranchi de l’autorité légale de ses tuteurs. D’antan on parlait de la même chose pour les esclaves libérés de leurs chaînes. Au cours du 20ème siècle, nous avons parlé de l’émancipation des femmes dans un sens similaire, ces dernières souhaitant se libérer de la mainmise traditionnelle des hommes sur leur vie.

Très vite nous pouvons nous pencher sur le cas de ces enfants lâchés dans la nature, matures légalement et encore si adolescents du point de vue psychologique. Ainsi que sur le cas des femmes, sont-elles réellement parvenue à obtenir cette condition d’égale-à-égal avec les hommes ? On nous le rabâche chaque année, à travail similaire, une femme gagne 15 à 20% de moins en moyenne. On l’observe dans bien des cas, à compétence égale, on préférera un homme pour les postes à responsabilité. Et que dire des anciens esclaves qui n’ont connu que la servitude et se retrouvent du jour au lendemain libres dans un monde dont ils ne connaissent rien et qui est habitué à les voir enchaînés… un choc psychologique qui mettra à l’épreuve leur flexibilité comportementale.

 

Pourquoi de telles difficultés à accepter le changement profond que l’émancipation des individus provoque ? C’est qu’il existe une autre dimension à l’émancipation qui cette fois ne dois pas toucher qu’une catégorie sociale mais l’ensemble de la population. Une dimension qui pourrait bien offrir à chacun cette flexibilité et cette reconnaissance de l’individu par le collectif. Il s’agit de l’émancipation intellectuelle.

 

L’émancipation définie par le wiktionnaire est une extension de la définition de l’acte légale qui consiste à libérer de la tutelle un mineur. Il s’agit de se libérer de toutes contraintes. Dans le-dictionnaire.com, il ne s’agit que de l’acte légal conférant à un mineur les droits juridiques d’une personne majeure.

Quelle que soit la définition prise en compte, il y a cette dimension symbolique de la libération d’une personne de ses contraintes. Contraintes pouvant prendre la forme d’obligations, de responsabilité morale ou légale, d’actes forcés, de volonté imposée… Chacune de ces contraintes pouvant venir de l’extérieur, comme de l’intérieur !

 

Et bien oui, que l’on s’impose des responsabilités, que l’on accepte la servitude, que l’on se soumette à la volonté d’autrui est du ressort de notre libre-arbitre dans notre société moderne, il ne tient qu’à nous de nous libérer, quelles qu’en soient les conséquences.

Nous pouvons aussi le voir au figuré et admettre que notre première source de contraintes est composé par tout un ensemble de préjugés qui, certes utiles puisqu’ils économisent notre faculté de jugement, corrompent notre libre appréhension de la réalité par les raccourcis qu’ils induisent. Ainsi nous sommes tous entravés par des chaînes que bien souvent nous ne voulons pas voir.

L’émancipation intellectuelle consiste donc, faute de pouvoir s’en libérer totalement à prendre conscience de ces chaînes et à les rendre les plus légères, maniables et esthétiques possible. Ne plus avoir de préjugés, ce serait comme réapprendre l’alphabet à chaque page d’un livre que l’on lirait, c’est perdre cette dimension instinctive de l’appréhension de la réalité qui nous permet de vivre en phase avec notre temps et pas au ralenti.

 

L’individu émancipé est une femme ou un homme éclairé de ses propres faiblesses et qui tend à progresser dans l’optique de les minimiser en prenant en compte toutefois le fait qu’il n’est pas possible de les réduire à néant. L’individu émancipé est un être qui accepte l’existence  d’autrui sans le réduire à son discours, il ne juge ainsi que le discours et les idées émises dans la relation qui le lie à cet autre et reconnaît les droits naturels de son frère humain, son égal. L’individu émancipé a touché du doigt la curiosité de son existence et tend à vouloir s’approprier les vérités factuelles pour se construire sa réalité conceptuelle et spirituelle. L’individu émancipé, dans le meilleur des cas, a compris qu’il était de son ressort d’aider d’autres à prendre conscience de leurs chaînes puisque ces dernières avilissaient l’esprit humain pour l’en réduire à sa dimension instinctive dans une expression individualiste et matérialiste.

 

Il s’agit pour l’individu de ne plus se laisser aliéner par ses préjugés abusivement réducteurs et qui font d’une relation avec autrui ou avec un groupe, une réminiscence des expériences passées, loin de tout sens critique apposé à son propre comportement. C’est en exerçant ce sens critique d’une manière discernante et responsable que ces préjugés s’assoupliront pour rendre à l’individu une vision plus globale, plus humaine de lui-même et de son univers. C’est ensuite un combat de tous les instants contre soi-même pour ne pas retomber dans cet état embrumé et pouvoir s’ouvrir à sa réalité, qu’elle soit matérielle ou spirituelle. C’est en quelque sorte faire taire cet animal instinctif qui veille en chacun de nous à tout moment.

L’ouverture à la réalité matérielle est la prise de conscience de chaque objet, humain ou non qui compose ce monde et avec lequel il faut soi-même composer avec justesse et harmonie. Il faut tolérer ce monde avec sagesse et empathie pour ne pas s’en trouver meurtri et accepter que tous ne passent pas par ces épreuves. La compréhension est cohésion, l’indifférence est la petite mort qui dilacère le lien.

L’ouverture spirituelle est quant à elle l’expression des convictions les plus intimes de l’être sur ses questions existentielles. Qu’elle fasse référence à des influences religieuses ou non, la spiritualité est ce qui donne un sens à notre vie. Religieusement on peut considérer notre vie comme l’épreuve à réussir pour « acheter » sa place dans un monde meilleur tout comme on peut le considérer comme une étape avant une autre et décider d’en faire une œuvre belle, sage et forte. D’une manière plus athée on peut considérer l’élévation intellectuelle et la participation aux progrès de l’humanité comme une fin en soi ou plus simplement de passer son existence à prendre soin des personnes que l’on aime. Il n’y a pas de voie plus belle qu’une autre tant que l’on se donne la peine de tenter de rendre son monde meilleur.

 

Il ressort de ce nouvel état d’esprit ouvert une forte propension au progrès, qu’il soit individuel ou collectif, selon ses affinités personnelles. Un progrès sommes toutes intellectuel voire spirituel dont le but est de s’affranchir à nouveau d’une condition humaine naturellement liberticide à l’égard de ses semblables. Un travail philosophique et sociologique pourrait alors aboutir à un esprit de rénovation d’un collectif malmené par les individualismes.

Qu’il s’agisse de croyances erronées ou exagérées, la rénovation du collectif devra nécessairement passer par un éveil progressif et consenti aux contraintes limitantes de chaque individu qui le compose. Chacun devra librement accepter d’entrer dans la voie de l’émancipation afin que le progrès qu’elle permet soit pérenne et puisse s’exprimer de tout son potentiel.

 

L’émancipation intellectuelle est donc un processus actif et volontaire qui consiste à libérer le plus possible son système référentiel et cognitif de toutes entraves portant atteinte à la vision objective de la réalité et à son sens critique et rationnel.

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