La place de l'autre

Souffrir à la place de l'autre, voilà une traduction littérale de ce mot : empathie.

L'empathie désigne un processus complexe par lequel on appréhende autrui non pas via nos affects mais à travers une construction mentale du point de vue éprouvé par l'autre. Il ne s'agit pas bien entendu d'éprouver ce qu'il éprouve mais de le comprendre. C'est se mettre à la place de l'autre à distance de ses affects et dans une attitude critique.

L'empathie est selon moi le plus bel outil humain. Une façon d'apprendre des erreurs de l'autre tout en nous mettant dans de bonnes dispositions pour lui prêter assistance. C'est aussi une possibilité de vision globale du fonctionnement de la société. Par l'empathie nous accédons à une information vitale pour modérer les pulsions agressives : nous ne sommes jamais dans la connaissance suffisante pour juger quelqu'un ! C'est en cherchant à comprendre l'autre que nous nous rendons compte à quel point il nous manque de précisions fondamentales pour être capable d'un jugement pertinent. Comme les jurés, nous sommes dans l'intime conviction qu'autrui a failli, sans pour autant être capable de l'expliquer entièrement ! L'empathie va être l'ouverture à l'autre la plus capable de compréhension dès lors qu'elle évite la contagion affective, état où les affects se transposent de l'autre à soi-même, obscurcissant la lucidité.

Ainsi, c'est en l'empathie que je crois l'avenir de la société. Il nous faut pour émerger de la "crise" cet élan d'intérêt pour l'autre. Et la "crise" que j'évoque n'est pas une quelconque situation économique, non, loin de là ! La "crise" est cet individualisme malsain, irresponsable et généralisé qui à lui seul explique nombre de situations problématiques de par le monde ! Je ne suis pourtant pas partisan d'un pessimisme sociétal, ni même ne prône un positivisme niais, mais je pointe du doigt ce manque d'esprit en permanence visible autour de nous. Ces comportements, ces réactions, ces attitudes qui font partie de la vie quotidienne et qui, non contents de nous diviser, mettent un point d'honneur à occulter de notre perception, ce qu'autrui fait de bien pour son monde. L'empathie est un pas vers la tolérance, c'est aussi et surtout une marque de respect et un appel à la fraternité.

Mettre un peu d'empathie dans notre quotidien, c'est un peu offrir la vue à un aveugle de naissance. Au début c'est douloureux et l'on peut se laisser abuser par ce nouveau sens, mais à terme la couleur donne vie à ce paysage que l'on considère désormais comme notre monde !